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Cap Skiring, Abene, St Louis et Ndioum
13ème jour : lundi 20.03
Arrivée à Ziguiunchor sous une chaleur étouffante après de nombreux contrôles militaires. Nous sommes accueillis chez une grande famille de la région.
Nous visitons le marché de Boucotte avec ses étals de fleurs d’hibiscus séchées pour faire du « bissap », de fruits de baobab « le pain de singe » qui permet de faire du « bouye », du gingembre, on y ajoute de l’eau et du sucre pour obtenir trois jus très appréciés au Sénégal. Nous retrouvons les emblématiques sachets de bouillon, l’huile de palme et le riz utilisés généreusement dans la confection de nombreux plats.
Nous rencontrons Ousseynou, un ami d’ami qui nous accompagnera dans nos aventures casamançaises. Petit tour de son quartier natal, Sylvain fait rire les enfants en répondant « Tou nioul » (tout noir) aux enfants qui crient « Toubab » en nous voyant passer, je joue au baby foot avec d’autres enfants. Des babyfoot sont posés dans plusieurs endroits de la ville et les jeunes peuvent venir rejouer les matchs de leurs idoles après l’école.
14ème jour : mardi 21.03
Départ depuis le « garage », la gare routière de Zinguinchor pour le Cap Skiring. Partout au Sénégal les gares routières sont de vraies fourmilières où règne une organisation absolument incompréhensible mais bien menée. Des déchets décorent le sol sur un lit d’huile de moteur délicatement parfumée de plastique brulé au milieu de dizaines de voitures fumantes qui attendent les 7 voyageurs qui leur permettront de quitter cet enfer. Des vieux sont installés à plusieurs tables au milieu du chaos et distribuent les places dans les voitures. Allant de 1, la meilleure place, à côté du chauffeur à 7, la pire tout au fond pratiquement dans le coffre avec les pieds posés à hauteur des fesses durant tout le trajet. Les voitures utilisées sont tous d’anciens corbillards utilisés en Europe, nous apprenons qu’au Sénégal il est possible d’amener uniquement des voitures de moins de 7 ans sauf véhicules spéciaux, ambulances, pompiers, corbillard. La « place du mort » varie donc entre celle du milieu et les places du coffre…
Balade et baignade sur la plage de Cap Skirring, magnifique plage de sable beige clair bordée de palmiers et de cocotiers. Ambiance étonnante cependant puisque la majorité de la plage appartient au club med qui engage des agents de sécurité qui empêchent les vendeurs d’approcher les touristes. Ils créent une ligne imaginaire que seul les touristes peuvent franchir s’ils veulent acheter un souvenir ou se baigner. Et comme à Saly, nous croisons de vieux toubabs obèses qui se pavanent au bras de jeunes et jolies filles sénégalaises. Nausées.
15ème jour : mercredi 22.03
Départ cette fois pour Abene, petit village touristique proche de la frontière gambienne. Nous rencontrons Youssouph, Aimé et leurs acolytes, des Dj et artistes du coin chez qui nous logerons.
Premier défi, nous partons à la chasse au rat pour en manger ce soir. La technique est bien maitrisée, d’abord trouver des trous, les enfumer, puis verser de l’eau à l’intérieur, tout est permis pour faire sortir le rat de son trou. Après avoir retourné, enfumé et noyé la moitié du jardin, Sylvain et Aimé partent demander de l’aide aux experts dans le domaine, les enfants du village. Défi accepté ! Une troupe de petits chasseurs motivés part pleine d’espoir. Equipés de bâtons et de seaux d’eau ils se lancent dans une vaine traque au rat qui durera une bonne partie de la journée. « Tant pis, pas de rat pour aujourd’hui ! Un plat végétarien fera très bien l’affaire ! ».
Pendant ce temps, les négociations pour la suite des défis ont déjà débuté. Un vendeur pourrait trouver un Kankourang, personnage mystique qui fait peur à tout le monde ici et qui apparaît quand il y a des conflits dans le village. Sylvain doit l’affronter et rester debout devant lui.
Nous partons escalader le fromager sacré du village. Il est en fait composé de 6 arbres entremêlés avec d’impressionnantes racines, qui, durant l’hivernage (la période des pluies) se transforment en piscines.
16ème jour : 23.03
Matinée agitée et rencontre avec le Kankourang. Nous devons le voir dans un endroit caché car ce n’est pas la période à laquelle il sort habituellement. Seules deux personnes acceptent de nous accompagner, les autres assument avoir trop peur. Nous ne comprenons pas tout à fait les enjeux que représente « sa sortie ». Un homme habillé d’écorces de bois et munis de deux machettes sort d’une petite maison et court en criant dans la direction de Sylvain.
Il est menaçant. Il frappe ses deux machettes les unes contre les autres en se secouant, puis court dans une autre direction, difficile de prévoir ses mouvements. C’est impressionnant mais nous savons que nous ne le voyons pas dans les conditions réelles. Il sort habituellement la nuit, éclairé de torches et accompagné de musicien qui tapent le sambar, il est très menaçant, peut même frapper des gens, il y a déjà eu des incidents mais personne ne sait qui se cache dessous, c’est donc impossible pour la police de retrouver le Kankourang violent. Quand il sort tout le monde court dans la rue en criant. La plupart des gens ne restent même pas à proximité et s’enferment dans les maisons en entendant la musique qui l’accompagne.
Le soir nous sommes invité à déguster un plat Diola « etodié » sorte de bouillie verte très goutue faite à base de poisson et de feuille de manioc pilées sur du riz.
17ème jour : 24.03
Départ en fin de matinée pour un long trajet en bateau de Ziguinchor à Dakar, nous y passerons la nuit. A peine embarqués sur le Diambogne, les premiers passagers déposent deux grandes nattes qui se transforment en petites mosquées. Une pour les femmes et l’autre pour les hommes. Puisque nous avions acheté une natte pour dormir nous décidons d’élargir la mosquée et la posons au sol, rapidement des hommes viennent y prier en nous remerciant.
« Tous les passagers sont appelés à l’intérieur du bateau ! » résonne la voix. Il est temps de recevoir les instructions de sécurité et de santé à bord. « Eteignez tous vos téléphones et écoutez attentivement ! » Impression bizarre d’être tout d’un coup de retour en Suisse le temps d’une séance d’informations. Impossible pour nous de rester sérieux, Sylvain tente de filmer la scène mais nous nous faisons tout de suite remettre à l’ordre sous les sourires des autres passagers.
18ème jour : 25.03
Arrivée à Dakar, nous profitons de nous reposer un peu dans la famille de Cheikh et Hawa qui nous ont accueilli à notre arrivée. Mais c’est déjà l’heure de reprendre la route direction Saint-Louis à 4h de corbillard.
19ème jour : 26.03
Nous découvrons cette magnifique ville de Saint Louis, avec ses vieux bâtiments coloniaux et ses routes ensablées. Un vent frais balaye la ville, profitons de faire une balade en calèche avec Mohammed. Nous nous promenons d’abord sur l’île de Saint Louis, quartier touristique et calme avec des magasins de souvenirs, une crêperie, des hôtels puis Mohammed annonce la couleur « Vous avez vu l’Europe, maintenant on traverse le pont pour aller en Afrique ».
Nous entrons alors dans Gendhar, le quartier des pêcheurs en longeant une haie d’honneur de plus de 1300 pirogues. La différence est impressionnante, les rues sont bondées, des milliers d’enfants jouent entre les moutons, les filets de pêche et le linge qui sèche. Les ruelles sont étroites, les entrées de maison semblent presque irréelles, comment peuvent-ils vivre si nombreux à l’intérieur ? Mohammed nous explique qu’en moyenne chaque femme a 10 enfants et que la plupart des pêcheurs ont plusieurs femmes, jusqu’à 5 ici.
Nous rencontrons Jean-Marie, un toubab installé ici, qui se passionne d’oiseaux et qui nous amène à la visite de la langue de barbarie. Une catastrophe écologique et humaine. A l’époque s’écoulait paisiblement le fleuve Sénégal qui se jetait dans l’océan à son embouchure mais un barrage a modifié tout l’écosystème de la région et l’eau salée a remplacé l’eau douce en grignotant des kilomètres de langue de sable vouée à la disparition. Des villages ont été engloutis et les solutions peinent à arriver. Nous découvrons cependant l’île aux oiseaux, où l’homme ne peut pénétrer que 30 minutes par mois pour comptabiliser le nombre de nids.
20ème jour : 27.03
Départ pour Ndioum, c’est un défi en soit, la météo annonce des tempêtes de sable et plus de 46 degrés la journée pour 28 la nuit. Nous embarquons dans un « 7 places » direction Richard Toll puis entrons dans un bus « rapide » pour Ndioum. Nous ferons les 110 derniers kilomètres en 5 heures… Un trajet à la limite du supportable, nous sentons la température monter petit à petit en ayant l’impression que ça ne s’arrêtera jamais. Un vent chaud nous brûle le visage, le bus roule lentement, trop lentement. Une femme débute une longue plainte qui durera des heures, elle a mal à la tête, elle entre presque en transe, elle fait un malaise. Nous devons nous arrêter, les passagers se cotisent pour lui acheter des médicaments, de l’eau et des biscuits. Je lui passe des lingettes froides sur le front. Le trajet peut reprendre, il fait nuit mais la chaleur est toujours aussi intense. Je vois les bornes kilométriques défiler au ralenti et les enfants présents dans le bus commencent à pleurer.
Nous sommes accueillis dans une famille que je connais. Leurs sourires me rendent le mien. Nous dormirons dehors, il fait trop chaud pour rester dedans. Nous installons les lits dehors et tirons une moustiquaire par dessus.
21ème jour : 28.03
Le vent chaud souffle, nous partons en voiture sur les pistes dans le Diéri, une région avec de tous petits villages au milieu du désert. La poussière envahit le ciel, du vent violent frappe nos visages, des troupeaux de moutons et de zébus se déplacent à la recherche de nourriture. Le bétail est maigre, les hommes devront bientôt quitter la région pour leur trouver de quoi se nourrir plus au sud. Ici tout est sec, les femmes du village on appris à faire pousser quelques légumes. Les enfants sont intrigués par notre présence. Certains ont peur de nous approcher, nous en jouant, et à chaque mouvement brusque de notre part, ils fuient en criant, puis reviennent.
Retour à Ndioum, balade entre les dédales du marché, nous rentrons à la maison pour attendre que la chaleur baisse. Le soir nous rencontrons des jeunes qui suivent un cours de roller. Sylvain emprunte une paire et les rejoint, matière d’aujourd’hui, le saut. Ils tentent les uns après les autres de sauter le plus haut possible par dessus une petite barrière.
Soirée partage et discussion avec des jeunes de Ndioum. Ils tentent de garder espoir sur leur avenir, certain attendent des bourses pour poursuivre leurs études, ils rêvent de devenir médecins, footballeurs ou encore journalistes. La plupart n’ont jamais quitté Ndioum. Le rêve ultime ? L’occident. Un de leur prof du lycée est parti en France, une preuve pour eux que c’était un excellent professeur de mathématiques. Tout ce qui est bien est là-bas, le reste est ici.
22ème jour : 29.03 et 23ème jour : 30.03
Retour à Saint Louis puis départ pour Dakar.
24ème jour : 31.03
Départ pour la Suisse, des souvenirs plein la tête et le cœur.
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