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Dakar Sally Mbour
1 er jour : Mardi 07.03
Départ de Genève sous une fine couche de neige, nous savons que le climat va drastiquement changer dans les prochaines heures. A Paris, lors de notre escale nous sommes escortés à travers l’aéroport jusqu’à notre porte d’embarquement par un employé d’Air France. Nous nous apprêtons à faire le fameux trajet Paris-Dakar, effectué par Air France depuis 1936 et qui durait à l’époque 30 heures. Après 5h40 de vol nous atterrissons à Dakar avec son air humide et sa vingtaine de degrés malgré la nuit tombée.
Nous sommes accueillis chez Cheikh et sa famille et goutons notre premier repas sénégalais, du poulet grillé que nous mangeons dans un plat à même le sol et dans lequel toute la famille mange. Ca y est, on est bien arrivés ! Hawa, la mère de famille nous donne les meilleurs morceaux soigneusement choisis qu’elle reparti avec ses doigts devant notre place.
2 ème jour: Mercredi 08.03
Après une bonne nuit de sommeil, nous retrouvons Mansour qui nous accompagne à travers Dakar. Un ami d’amie qui vit à Dakar. Nous découvrons les différents transports, des cars rapides colorés, des charrettes tractées par des chevaux, des scooters et de nombreux taxis noir et jaune qui mènent une lutte effrénée pour se faire un chemin à travers les rues de Dakar. Nous essayons tant bien que mal de nous déplacer en taxi dans ce trafic fumant et bruyant. Le soleil tape sur le toit de la voiture. Nous arrivons au marché de Sandaga, un quartier entier dans lequel nous pouvons trouver de tout, des chaussures, des téléphones, des tissus, des jeux de société, des fruits et légumes etc… Nous cherchons en vain le jus de gingembre « hardcore » et en buvons finalement un très doux dans un restaurant.
Nous goutons notre premier Thieboudiene rouge, du riz au poisson avec de nombreux légumes. Excellent ! Direction le marché Kermel, un marché couvert avec des étals de fruits et légumes colorés, de poissons avec une étonnante dentition ainsi que de carcasses d’agneaux et de mouton encore saignants.
Chez un ami de Mansour nous discutons à l’ombre d’un moringa, arbre de vie. Aujourd’hui, 8 mars c’est la journée de la femme, fêtée de part et d’autre de Dakar et nous abordons le délicat sujet de la polygamie, très répandue au Sénégal. Les hommes peuvent avoir jusqu’à 4 femmes et la plupart des jeunes avec qui nous parlons espèrent en avoir 4, symbole de réussite. Impossible d’imaginer par contre une femme avoir plusieurs maris. Nous ne nous mettrons pas d’accord sur le sujet mais partageons un bruyant débat, rythmé de rires, de cris et d’éclat de voix.
Nous nous dirigeons ensuite à la « corniche », plage sur laquelle s’entraînent tous les soirs les lutteurs de la ville. La plage est bondée d’hommes en plein entrainement sportif. Les uns font des pompes, les autres courent et sautent dans le sable. Ils exhibent une musculature impressionnante ! Sylvain cherche un lutteur pour faire quelques combats, plusieurs motivés s’avancent. Un lutteur qui se fait appeler « le général » se propose de « terrasser » Sylvain. Il semble un peu agressif et contracte ses muscles pour nous intimider. Sylvain flippe un peu, hésite, mais se lance quand même ! Il fait 4 combats et en remporte un ! Hourra l’honneur est sauf ! Un lutteur s’avance et me propose un combat. Il fait facilement 6 têtes de plus que moi et plus il s’approche plus il semble grandir, je fais mine de l’affronter en lançant des mouvements de bras de petit chat qui joue, puis m’enfuit en courant sous les rires de ses monstrueux camarades.
Retour chez Cheikh, nous partageons de délicieux poissons grillés devant un match de football très tendu. Les jeunes quittent d’ailleurs rapidement « la table » car l’équipe de Barcelone qu’ils supportent se trouve en mauvaise posture. Après le repas, changement d’ambiance, le Barça remporte finalement le match et nous assistons à une explosion de joie familiale !
3 ème jour: Jeudi 09.03
Hawa a acheté du jus de gingembre au marché pour que nous puissions gouter ce fameux jus. Pas sûre que ce soit effectivement LE jus appelé « hardcore » mais il fera l’affaire. Hawa nous prévient, « c’est très fort, il faut le diluer dans de l’eau » mais Sylvain décide de le boire tel quel. La dégustation est ponctuée de cris d’Hawa. Sa réaction nous fait mourir de rire ! Le jus de gingembre est, en effet très fort mais nous avons l’habitude d’en boire aussi chez nous donc c’est supportable.
Nous partons direction le débarcadère pour prendre la chaloupe afin de visiter l’île de Gorée. Dans la file d’attente nous sommes déjà approchés par des hommes et des femmes qui ont des boutiques sur l’île, ils nous demandent de venir les visiter une fois sur l’île puisque nous sommes maintenant amis.
Nous rencontrons des Béninois qui rigolent en voyant la casquette « Suissemoi » de Sylvain, je les surprends à parler de nous lorsque j’entends le mot « Yovo », le « Toubab » togolais. Une explosion de rires retentit quand on leur lance un « Yovo yovo bonsoir » expression utilisée par les enfants et entendue maintes fois pendant notre voyage au Togo.
Nous arrivons sur l’île avec sa jolie plage bordée d’eau turquoise et ses maisons colorées. Nous nous promenons dans le dédale de ruelles fleuries et grimpons jusqu’au point le plus haut de l’île. Nous découvrons des canons et des bunkers transformés en galerie d’art. Les artistes étalent leur peintures, sculptures, dessins et tableaux fabriqués à partir d’objets recyclés en saluant les potentiels acheteurs.
Les vendeuses de tissus et de bracelets utilisent de fines stratégies pour que nous leur achetions un souvenir. Nous tentons d’y résister, mais succombons quand même à leur habileté lorsqu’elles nous prennent par les sentiments. « C’est le jeu ! » nous lance un habitant de l’île quand il nous surprend à ne pas comprendre pourquoi nous avons acheté des maracas.
Nous visitons ensuite la maison des esclaves. La plupart des maisons de l’île étaient à l’époque des « maison d’esclaves » dans lesquelles ils étaient « stockés » en attendant le départ en direction d’Amerique et d’Europe par la porte sans retour. Nous apprenons nombre de détails sordides sur leur détention inhumaine et sur le voyage en bateau vers les maitres. Une visite très forte en émotions.
4ème jour: Vendredi 10.03
Départ pour Saly, nous empruntons l’autoroute et traçons la route. Les paysages changent, nous passons d’une ville dense à des étendues arides parsemées de Baobab, la chaleur devient plus intense. Nous croisons de nombreux troupeaux de chèvres, de moutons et de zebus, des sortes de vaches blanches munies de très longues cornes.
Nous prenons la mauvaise sortie d’autoroute mais, ce n’est apparemment pas un soucis au Sénégal, notre chauffeur s’arrête, questionne la voiture qui nous suit puis fait marche arrière et nous nous engageons à nouveau sur l’autoroute en prenant la bretelle en sens inverse, normal.
Nous arrivons chez Khadija, dans une jolie maison décorée de catelles jaunes, bleues, blanches et oranges, avec une cour intérieure ombragée par un grand palmier et une allée de fleurs roses qui jure avec les rues ensablées que nous avons empruntées pour y arriver. « Khadi » nous acceuille : « Haaa vous êtes déjà moins casse-couilles que les vieux, vous avez trouvé tout seuls comment arriver jusqu’à chez moi ! » et nous propose de partager un repas avec sa famille. Elle aime manger quand il y a du monde, sinon elle n’a même pas envie de cuisiner. Nous partageons un délicieux Thieboudiene, elle nous apprend la technique pour manger avec les mains. Il faut oser prendre la nourriture avec toute la main et former des boulettes en la serrant fort qu’il suffit ensuite de pousser dans sa bouche. En pratique ce n’est pas si facile, nous faisons tomber beaucoup de riz par terre, sous les regards farceurs des enfants de Khadi. En quittant la nappe sur laquelle nous mangions nous rions tous en découvrant du riz répartis tout autour de nos deux places de débutants.
Khadi a épousé un Toubab qu’elle voit deux fois par année durant deux semaines depuis 14 ans. Il travaille en France et c’est mieux comme cela, elle dit qu’elle ne va pas se plaindre elle a une belle maison et tout ce dont elle a besoin. Elle gère une boucherie dans le quartier.
Nous allons ensuite à la plage « Obama » où des vendeurs nous invitent à boire un thé. Nous assistons à la cérémonie du thé assis à l’ombre d’un palmier ou sous un arbre à palabre comme ils appelent ici l’invitation à la discussion où l’on oublie le temps. Ils préparent 3 thés, le premier, fort comme la mort, le deuxième doux comme la vie et le troisième sucré comme l’amour. Ils nous offrent des colier de bienvenues, des masques qui représente la tolérance. Nous expliquons notre étonnement quand aux touristes croisés depuis le début de notre voyage, que des retraités ! Ils expliquent que beaucoup viennent chercher l’amour au Sénégal. Nous surprenons d’ailleurs de jeunes athlètes qui font des pompes devant les alignées de chaises-longues supportant de vieilles européennes. Saly serait connue pour ce type de tourisme.
Après le thé, le buisiness reprend, mince, on avait presque oublié qu’on était des toubabs ! Après une longue négociation, nous arrivons à partir sans rien acheter et ne pas trop décevoir, je crois, notre nouvel ami intéressée.
Balade sur la plage au coucher de soleil en tentant de fuir les vendeurs installés partout. La vente, le sport national sénégalais, encore plus répendu et maitrisé que le foot !
Nous nous rendons au Bigaro Dos, restaurant de Pierre, un Toubabien qui s’éclate au Sénégal. Nous poussons une grande porte de garage et arrivons dans un magnifique jardin avec piscine et bar. La carte est numérotée, le nombre de plat qu’il reste est affiché et mieux vaut arriver tôt ! Nous dégustons un excellent filet de Zébu, une première ! Nous rencontrons Pierre qui a déjà réfléchi à plusieurs défis bien dans le thème de Suissemoi et qui nous accompagnera deux jours sur les routes de cette région qu’il connaît bien.
5 ème jour: Samedi 11.03
Départ au marché de Sandiara. Il se compose de deux parties, le marché des animaux et le marché de tout le reste. Nous assistons au déchargement de la marchandise. Des moutons sont descendus du toit d’un camion, tout le monde s’y met pour rattraper les bêtes. Il y a foule au marché, chaque vendeur expose ses moutons, zébus, chèvres, chevaux.
Le soleil nous assomme en nous assenant de grands coups sur la tête. Nous cherchons de l’ombre. Au marché de tout le reste, il y a d’innombrables stands avec du matériel en tout genre, pour la cuisine, pour la voiture, pour la construction. Nous y trouvons même un stand de marabout pour faire des gri-gris avec des plantes séchées, des peaux de serpents, des têtes de singe et des épines de porc-épic.
Un stand de pub pour du bouillon est très animé, il y a de la musique et les gens sont entassés autour pour essayer de gagner un cadeau. Nous faisant rapidement remarquer, on nous demande de danser, ce que nous faisons avec plaisir et entrain, immédiatement des gens affluent de partout, ils tapent dans leurs mains, un cercle se forme autour de nous, des rires retentissent, certains filment la scène d’autres crient. Pour nous remercier, on nous offre un pot en plastique aux couleurs du bouillon.
Nous nous rendons à la Somone, une lagune connue par les amateurs de surf, de planches à voile, de pêche, de kite surf et de glande. Pas assez de vagues pour faire du surf, nous allons voir les oiseaux à la place. Nous en voyons beaucoup et notamment des pélicans.
6 ème jour: Dimanche 12.03
Sylvain se fait faire des tresses par la fille de Khady. On dirait maintenant qu’il a trois cheveux sur le crâne avec ses petites tresses aux élastiques multicolores. Nous attendons que la chaleur diminue un peu et nous nous rendons à la plage du Grand Mbour.
Sur place, « c’est noir de monde » s’exclame Sylvain. Une foule impressionnante se déplace d’un bout à l’autre d’une longue plage bordée de cocotiers. Les jeunes garçons font de la lutte ou jouent au foot, certains se balade avec leurs chevaux et les lavent dans la mer au milieu des baigneurs, d’autres font des pompes et creusent des trous dans le sable pour faire de la place à leur tête, d’autres encore passent entre les groupes en scooter dans le sable et font de périlleuses trajectoires. Il faut aussi éviter les ballons de foot qui se passent au milieu des groupes assis profitant des derniers rayons de soleil de ce dimanche animé.
De retour à la maison, et sans nouvelles de Bombardier, grand lutteur sénégalais à qui nous avions le défi de faire manger de la fondue, nous décidons d’en faire une avec la famille de Khadi et leurs amis du quartier. Les jeunes arrivent les uns après les autres, ils ne savent pas à quoi s’attendre, ils viennent goûter une spécialité suisse. Khadi nous explique qu’ils s’attendent forcément à manger du poisson ou de la viande, base de tout repas sénégalais, ils vont être étonnés.
Sylvain leur explique comment la fondue se mange, « c’est le seul plat suisse que nous mangeons à la sénégalaise, tous dans le même plat ! », après les recommandations d’usage, « si vous faites tomber votre morceau de pain c’est la honte ! », nous commençons la dégustation. Ils rient, certains n’en mangeront qu’une morse, d’autres commentent « c’est délicieux, il nous faut la recette », tous rient. Difficile de savoir s’ils aiment vraiment ou s’ils sont polis mais le résultat est là, ils ont mangé 2 kg de fondue. Ils attrapent de vieux bidons ou bouteilles d’eau et les tam-tams commencent. Nous dansons et rions ensemble.
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